Joseph rentrait chez lui à cheval, quand il tomba dans une embuscade ; trois indiens se jetèrent sur lui de derrière les rochers, et l’un d’eux l’assomma d’un coup de tomahawk.
Quand il reprit conscience, il était attaché à un poteau.
Il leva lentement la tête et se retrouva face à l’un des trois indiens qui l’avaient attaqué. Celui-ci l’attrapa par le col et s’adressa à lui en anglais : « On te dit prophète, tu vas donc nous aider ou tu mourras. »
« Je suis prophète, effectivement », répondit Joseph sans que sa voix ne trahisse la moindre peur, « que veux tu de moi, et qui es tu ? »
« C’est moi qui pose les questions ! » lui lança l’indien, «tu ne peux pas te défendre, et tu seras obligé de me donner les renseignements dont nous avons besoin. »
« Quels renseignements ? » demanda Joseph.
« Nous voulons savoir où sont les trois Néphites. »
Joseph répondit : « Je l’ignore. Même moi n’ai pas le droit de le savoir. De toute façon, si je le savais, je ne le vous dirais pas. »
L’indien le relâcha, et sans dire un mot, il sortit son poignard de sa ceinture et trancha ses liens. Joseph s’écroula à quatre pattes dans la poussière. En le toisant de haut avec mépris, l'indien lui dit : « tu sais qui nous sommes. »
« Exact, » répondit Joseph, « le Seigneur vient de me le faire savoir, vous êtes les Trois Lamanites. »
« Continue. » lui dit l’indien.
Joseph passa sa langue sur ses lèvres sèches et se mit à raconter : « Il y a de cela dix-neuf siècles, Notre Seigneur visita ce continent après Sa résurrection. Avant de repartir, Il désigna trois messagers et les chargea de propager Son Évangile jusqu'à la fin des temps.
Depuis plus de mille huit cent ans, ils voyagent à travers le monde, ils vivent parmi nous, mais nul ne peut les reconnaître. On les appelle les Trois Néphites, Dieu les bénisse à jamais. »
« C’est très bien dit, » répondit l’indien en aidant Joseph à se relever, « mais tu n’as pas raconté toute l’histoire. Raconte ce que ne racontent pas les plaques d’or. » Il lui tendit une gourde en peau, à laquelle Joseph but avidement avant de continuer :
« À la même époque, Satan visita les Lamanites. Il désigna, lui aussi, trois messagers et les chargea de combattre les Trois Néphites jusqu'à la fin des temps. »
« Exact, répondit l’indien, nous sommes les Trois Lamanites, les ennemis des Trois Néphites. Dis nous où ils sont, et nous te garantirons une place de choix dans le Monde que notre Maître va instaurer. »
« Ce monde là ne m’intéresse pas ! » répliqua Joseph, « je suis un serviteur du Dieu Tout Puissant, et jamais je n'en servirai d’autre que Lui ! »
L’indien, ou plutôt le Lamanite, brandit son poignard et en porta la lame sur le cou de Joseph en le menaçant : « Tu nous diras où sont les Trois Néphites ou tu mourras ! »
« Autant mourir » rétorqua Joseph d’un air résolu, sans manifester la moindre crainte. Une lueur de colère passa dans le regard du Lamanite, qui attrapa Joseph par le col et s’apprêta à lui trancher la gorge.
À ce moment là, il reçut une flèche dans le bras et il poussa un cri, la douleur lui fit lâcher son poignard et le col de Joseph. Il arracha la flèche de son bras avec rage et releva la tête ; sur un rocher, se tenaient trois hommes armés, l’arc bandé, prêts à tirer. L’un d'eux ordonna : « Laissez cet homme tranquille ! »
Un sourire de satisfaction apparut sur le visage du Lamanite : « Les Trois Néphites ! » s’écria-t-il, « cela faisait si longtemps. »
« Cet homme est sous notre protection, et nous vous prions de le relâcher. Nos arcs sont bandés, prêts à tirer, pas les vôtres, qui sont posés à terre. Sachez qu’il y a suffisamment de force dans nos bras pour vous garder en joue jusqu’à la fin des temps. Libèrez cet homme, cela vaudra mieux pour tout le monde. »
Le Lamanite se tourna vers Joseph et lui dit d'un ton résigné : « Va, tu es libre. »
Puis il fit un signe à ses deux compagnons et ils s’éloignèrent dans le désert.
Joseph se retourna pour remercier les Trois Néphites, mais ils avaient disparu, ce qui n’avait rien de surprenant. Puis il aperçut son cheval, qui venait vers lui d’un pas paisible, un autre miracle qui ne l’étonnait guère non plus. Il l’enfourcha et retourna chez lui au petit trot, inconscient des trois silhouettes lointaines, au sommet d’une colline, qui l’observaient avec bienveillance.