Joseph rentrait chez lui, faisant trotter son cheval d’un pas tranquille, quand il entendit des coups de feu. Il descendit de sa monture, l’attacha à un arbre et avança avec précaution en direction du bruit. Il se cacha derrière un rocher pour observer ce qui se passait, et il vit un indien à pieds poursuivi par trois desperados à cheval qui lui tiraient dessus. L’indien était blessé, et il se tenait l’épaule tout en courant. Ses poursuivants gagnaient rapidement du terrain, et ils allaient certainement le tuer si Joseph n’était pas intervenu.
Il arma sa carabine et visa le cavalier le plus proche de l’indien. Il le toucha du premier coup, et le desperado tomba sur le sol. Les deux autres s’arrêtèrent, regardant autour d’eux, le canon de leurs armes levé. Joseph arma une nouvelle fois sa carabine et il tira sur un autre cavalier, qui tomba à son tour. Comme Joseph était un homme bon, il avait pris garde de ne pas tuer les hommes et de simplement les blesser ; il avait atteint le premier à l’épaule et le deuxième à la cuisse.
Le troisième desperado s’enfuit au galop sans demander son reste, tandis que les deux autres rebroussaient chemin à pied, celui qui était atteint à l’épaule aidant celui qui était atteint à la cuisse à marcher.
Joseph se releva de derrière le rocher, s’offrant à la vue de l’indien qui s’était arrêté plus loin pour observer la scène. Celui-ci prit peur en le voyant, il pensait que c’était un autre desperado qui cherchait à le tuer.images
Alors Joseph, tenant sa carabine à bout de bras, pour montrer qu’il n’avait pas d’intention hostile, s’avança vers l’indien en lui faisant un signe amical. Il connaissait les dialectes des indiens de la région, en tant que pasteur, il avait souvent eu l’occasion de les visiter pour leur porter secours et leur fournir une aide spirituelle.
Il s’adressa à l’indien blessé dans le dialecte le plus courant de la région, et il lui dit : « ne crains rien, mon ami. Viens avec moi et éloignons nous vite de cet endroit, les desperados pourraient revenir plus nombreux, cette fois. »
L’indien parut surpris d’entendre un homme blanc s’adresser à lui dans sa langue natale. Il fit un signe de tête et suivit Joseph. Celui-ci le fit monter sur son cheval et marcha à pied à côté en le guidant par la bride.
« Je m’appelle Joseph, dit il, et toi, comment t’appelles tu ? »
« Moroni, répondit l’indien, je suis membre du Conseil de ma tribu. Prends cette direction, je vais te conduire à notre campement pour te présenter à mon peuple. Je tiens à te remercier comme il se doit de ce que tu as fait pour moi. »
josephJoseph emprunta la direction que lui avait indiquée son compagnon, et ils arrivèrent au campement indien. Rapidement, ils furent entourés d’enfants qui riaient et criaient fort en courant dans tous les sens. Joseph se ménagea un passage en caressant quelques têtes çà le là, et il se retrouva en face d’un groupe d’hommes, qui s’étaient réunis en les voyant arriver.
Moroni, l’indien que Joseph avait secouru et qui se tenait sur son cheval s’adressa à eux : « Mes chers frères, je vous demande d’accueillir mon ami Joseph, et de le traiter comme l’un des nôtres. Aujourd’hui, il m’a sauvé la vie et je lui suis redevable. »
On fit entrer Joseph dans une tente, on le fit asseoir sur un tapis de fourrures, et des femmes s’affairaient autour de lui pour lui amener de la nourriture et s’assurer de son confort. Enfin, Moroni entra dans la tente avec d’autres membres du Conseil de la tribu, et il s’assirent en face de Joseph. Moroni prit la parole : « Joseph, tu n’ignores pas que ton peuple massacre le mien. »
Joseph baissa la tête, il avait honte de la conduite de ses semblables.
« Mais toi, tu es différent, continua Moroni, d’ici peu, notre civilisation s‘éteindra, nos enfants adopteront votre mode de vie, et notre culture disparaitra. »
Joseph ne répondit pas, ne sachant quoi répondre. Alors Moroni reprit : « nous voudrions que tu perpétues notre mémoire. »
« Que puis je faire ? Demanda Joseph.
plaques.jpegMoroni fit un signe à un de ses compagnons, qui ouvrit un sac de peau qu’il avait amené. Il en sortit un magnifique objet ; il s’agissait d’un bloc de feuilles d’or gravées, attachées ensemble par trois anneaux d’argent. « Voici les annales de notre peuple, lui dit Moroni, tu connais déjà notre langue. Si tu le veux bien, tu resteras ici quelques temps, le temps que nous t’apprenions l’écriture utilisée dans ces plaques, et tu les emmèneras chez toi pour les traduire. Je reviendrai les chercher quand tu auras fini. Tu ne devras les montrer à personne, de peur qu’elles ne suscitent les convoitises et qu’on ne les vole. »
Joseph accepta la proposition avec joie, et il passa ainsi plusieurs jours dans la tribu de Moroni, le temps d’apprendre l’écriture des plaques d’or. Et comme Joseph était un homme intelligent, il apprit rapidement.
Le jour venu, il rangea soigneusement les plaques d’or dans une sacoche au flanc de son cheval, puis il monta en selle et salua ses amis. « Je passerai reprendre les annales à la fin de l’année, ne traine pas à les traduire ! » Lui lança Moroni. Joseph hocha la tête, il leur fit un signe amical et frappa les côtes de sa monture des talons. Le cheval partit d’un petit trot tranquille, et Joseph retourna chez lui sans encombre.
joseph-copie-1.jpgLà, il se mit au travail. Il examina le recueil de plaques, et constata qu’une partie en était scellée avec une bande d’argent. Ne voulant pas détériorer le volume, il n’y toucha pas, il se contenta de traduire les feuillets libres.
Il était fasciné par l’histoire que racontaient ces plaques : les ancêtres de Moroni, et de tous les indiens d’Amérique, étaient venus il y a plus de deux mille ans, d’un pays lointain en traversant l’océan sur un bateau. Quelques temps après s’être établis sur le continent, ils s’étaient scindés en deux peuples ; les Néphites et les Lamanites, qui s’étaient continuellement fait la guerre de génération en génération. Et ce furent les Lamanites qui, finalement remportèrent la victoire en exterminant les Néphites. Il y eut bien quelques survivants, mais ils furent absorbés par les Lamanites au fil du temps.
Les plaques d’or racontaient aussi la venue d’un dieu blanc, et que son arrivée fut précédée de séismes et de cataclysmes. Il était dit que des villes entières s’étaient effondrées, et avaient littéralement été avalées par la terre, tandis que d’autres disparurent sous les flots. Il était dit aussi que ce dieu blanc enseigna la compassion et la charité au peuple, ainsi qu’un tas de bonnes choses, puis il partit en promettant de revenir un jour, à la fin des temps, pour juger l’humanité.
Les plaques d’or racontaient d’autres choses extraordinaires qu’il serait trop long d’énumérer ici.
Quelques jours après que Joseph eut fini de traduire les plaques non-scellées, Moroni se présenta à sa demeure. Joseph lui rendit les annales et lui demanda ce que contenaient les plaques scellées, Moroni lui répondit qu’il l’ignorait, et que nul n’avait le droit de le savoir tant que le dieu blanc, celui dont il était question dans le récit, n’était pas revenu, et qu’il ne les avait lui-même descellées pour en faire connaitre le contenu à l’humanité.
Morquetzalcoatlwy8.jpgoni retourna dans sa tribu avec les annales de son peuple. Plus tard, sa tribu fut déplacée par le gouvernement américain, et déportée dans un territoire lointain où ses membres furent dispersés et convertis au mode de vie des blancs. Leur mémoire se perdit peu à peu, et nul ne sait et nul ne sait ce que sont devenues les plaques d’or que Joseph avait traduites.
Joseph publia les annales du peuple de Moroni en anglais, puis en d’autres langues afin que la mémoire de ce peuple ne soit pas tout à fait perdue.