Le vagabond et le dragon

   Le cœur rempli d'amertume, un vagabond quittait la ville d'où on l'avait chassé. Alors qu'il en franchissait les portes, il entendit une plainte au pied de la muraille, c'était un dragon coincé sous une pierre tombée du rempart.
  "De grâce, monseigneur !" l'interpella la bête en le voyant, "cette pierre m'est tombée dessus et je ne peux m'en dégager, pourriez vous m'aider ?"
  "C'est possible," répondit le vagabond, "si je la soulevais avec mon bâton, cela vous permettrait de vous en dégager."
  "L'idée me semble bonne," dit le dragon, "faisons donc ainsi, je vous prie."
  "Une minute," l'arrêta le vagabond, "qu'y gagnerai-je ?"
  "Je ferai ce que vous voulez, dans la limite de mon pouvoir, évidemment."
  "Qu'est ce qui m'assure que vous tiendrez parole ?"
  "Nous autres, les dragons, sommes connus pour toujours tenir notre parole, on nous accorde au moins cette qualité."
  "Bien, je prends le risque. Êtes vous prêt ?"
   Le vagabond glissa son bâton sous la pierre et la souleva, le dragon put alors la repousser sur le côté.
   Il se releva en s'étirant les ailes pour les défroisser, puis il dit :
  "Je vous remercie bien, monseigneur, que puis je faire pour vous récompenser maintenant ?"
  "Détruisez entièrement cette ville, réduisez la en cendres, je veux qu'elle disparaisse à jamais de la surface de la terre, cela est bien en votre pouvoir, n'est ce pas ?"
  "En effet," répondit le dragon en hésitant,  "puis je savoir pourquoi vous voulez faire cela ?"
  "Les habitants m'ont odieusement chassé de chez eux, alors que je ne leur demandais qu'un peu de charité, c'est pourquoi je veux qu'ils meurent tous."
  "Êtes vous sûr de vouloir me faire commettre un tel crime ? Vous savez, contrairement à ce que l'on croit, les dragons n'aiment guère tuer."
  "Eh bien vous devrez le faire, que çà vous plaise ou non !" répliqua le vagabond d'un ton irrité, "vous êtes lié à votre parole, détruisez cette ville car telle est ma volonté !"
  "Bien, monseigneur." répondit le dragon en soupirant.
   Il déploya ses grandes ailes de cuir, prit son envol et monta au dessus des plus hautes tours de la ville. De là, il cracha des gerbes de feu qui incendièrent ses bâtiments et réduisirent ses habitants en cendres.
   Tandis que des cris d'horreur et de souffrance surgissaient de partout à la fois, le vagabond, qui était resté à la porte, exultait.
  "Mort ! Mort ! Destruction ! Vengeance !" criait il d'un air dément, "mort ! Mort aux habitants de cette ville maudite !"
   Une fois que le dragon eut achevé sa sinistre besogne, il ne restait plus qu'un champ de ruines calcinées encore fumantes.
   Il revint auprès du vagabond et lui dit d'un air dégoûté :
  "Voila, j'ai rempli ma part du marché, je souhaite ne jamais plus vous revoir."
   Puis, sans même le saluer, il s'envola au loin.
   En le regardant disparaitre à l'horizon, le vagabond s'écria :
  "Suis je bête ! Je n'aurais pas du me contenter de lui faire détruire la ville."
   Il hissa son baluchon sur son épaule et ajouta :
  "La prochaine fois que je sauve un dragon, je lui demanderai de détruire le monde !"

 

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