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Le recrutement de Youri Gagarine

Salut à tous et à toutes ! Voici une histoire de mon cru se déroulant dans un univers Star Trek alternatif. C’est à dire que je reprends des éléments des séries et des films Star Trek dans mes récits mais en inventant de nouveaux personnages.
En fait, cette histoire se déroule dans un univers « Mirror Universe » alternatif, en effet, le « Mirror Universe » est une version alternative de l’univers Star Trek original. Les connaisseurs comprendront, et ils expliqueront à ceux qui ne connaissent pas, j’ai la flemme d’expliquer moi-même.

Cette histoire est assez longue, j'espère que vous aurez la patience de la lire...
Bisous
Wolfram

 

La Colombie Aldébarane

Date stellaire 41150.0

Cerdan fumait un pétard dans son hamac, quand il aperçut une navette spatiale de la Confédération traversant le ciel. Sur le moment, il n’y prêta guère attention, mais il fut intrigué en la voyant changer de cap, venir dans sa direction et se poser sur le sol rocailleux, à quelques mètres de la falaise où était creusé son logement.

Il sauta de son hamac et descendit par l’échelle en bois posée contre la falaise. Deux hommes étaient sortis de la navette, tous deux portant l’insigne de la Confédération Galactique représentant un globe terrestre traversé d’une épée. Il alla à leur rencontre, et l’un d’eux lui adressa la parole : « Êtes vous le capitaine Herman Cerdan ? »

« Çà dépend, répondit il, qui le demande ? »

« Je m’appelle Raul Domingues, je suis l’adjoint du Secrétaire d’État à la Défense, et voici l’agent Tengiz Charif, qui a été désigné pour être votre référent. »

« Mon référent ? »

« Monsieur Charif sera chargé de surveiller vos activités et de nous en rendre compte. »

« Mes activités ? Quelles activités ? »

Domingues ouvrit un dossier qu’il tenait sous le bras, et il en sortit trois feuillets agrafés ensemble : « Ceci, dit-il, est un ordre de libération signé du Secrétaire d’État en personne. »

« En quel honneur ? »

« Il s’agirait, si vous acceptez, d’une libération conditionnelle. »

« Ah bon, une libération conditionnelle, et quelles seraient les conditions ?  »

« On vous donne la chance de vous réhabiliter. »

« Chouette, que dois-je faire ? » »

« Il vous faudra accomplir certaines missions délicates que les structures légales de la Confédération ne peuvent pas endosser, pour des raisons diplomatiques. »

« Je serai donc une sorte de mercenaire à votre solde ? »

« C’est une façon un peu abrupte de considérer les choses, mais, oui, c’est un peu çà. On mettra un vaisseau spatial à votre disposition, et vous pourrez recruter l’équipage de votre choix. Votre seule contrainte sera d’intégrer l’agent Charif, qui représentera la loi et le gouvernement à bord. Vous devrez lui obéir et le consulter avant chaque décision. Pour le reste, vous serez le capitaine du vaisseau et seul maître à bord. »

« Après Charif et Dieu. »

Domingues fit mine d’ignorer cette remarque, il lui tendit les feuillets en lui disant : « Si vous êtes d’accord, vous n’avez plus qu’à signer. »

Cerdan hésita, çà le faisait un peu chier de devenir le valet de la Confédération, mais çà le faisait encore plus chier de rester là. Il en avait un peu sa claque de la Colombie Aldébarane, même si sa situation y était privilégiée. Il ne foutait rien de ses journées, et il passait le plus clair de son temps à se vautrer dans un hamac en fumant des joints.

On dira, il y a pire, être détenu dans ces conditions n’a rien de vraiment cauchemardesque, mais çà commençait à le gonfler pour de bon. Lui, il aimait l’action, l’aventure, et l’en priver était pour lui la pire des punitions, il aurait préféré mourir. Enfin, dans le principe, dans les faits, il n’en avait pas vraiment envie.

Çà faisait quatre ans qu’il moisissait là, il avait pris de la bedaine, il ne se lavait plus et ne coupait plus ses cheveux ni sa barbe. Il ne se souciait plus non plus de sa tenue vestimentaire, il faisait tellement chaud qu’il trainait toute la journée en slip, le même slip aux teintes suspectes depuis plusieurs mois, voire des années. La Colombie Aldébarane avait fait de lui un déchet qui se dégoutait lui-même.

La Colombie Aldébarane, c’était une planète de type M naturelle, dotée d’une atmosphère d’azote et d’oxygène convenant à la vie terrestre, et qui n’avait pas nécessité de terra-formage lors de sa colonisation.

Cependant, ce n’était pas un paradis, loin de là. Sa masse, 1,2 fois celle de la terre, lui donnait une pesanteur plus appuyée, et pour un terrien, surtout s’il était arrivé récemment, la moindre activité physique était plus fatigante que sur sa planète d’origine. À la longue, il s’y faisait, mais c’était dur, car son poids était augmenté de 20%.

Sur terre, ou sur un vaisseau spatial dont la gravité artificielle reproduisait celle de la terre, Cerdan pesait dans les 80 kg. Sur la Colombie Aldébarane, il en pesait un peu plus de 100. Il s’y était habitué assez rapidement, mais avec le soleil de plomb en plus qui tapait dur, çà l’avait rendu complètement feignant.

Le climat était on ne peut plus sec, la planète ne possédait qu’une seule mer ne représentant que 10% de sa surface, et elle était saturée de sel comme la Mer Morte en Israël. Il y avait quatre fleuves qui se jetaient dedans, ironiquement, ils avaient été baptisés d’après les noms des fleuves du Jardin d’Eden dans la Genèse : le Pishon, le Gihon, le Tigre et l’Euphrate.

Ce monde était aride, essentiellement désertique, un peu comme le désert du Sahara mais sur pratiquement toute sa surface ; de la roche, du sable, des cailloux avec une oasis verdoyante çà et là. Elle était habitée par une race aborigène de créatures vaguement humanoïdes, qui ressemblaient un peu à des lézards. Ils étaient très peu nombreux, à peine une centaine de milliers. Primitifs et pacifiques, ils évitaient tout contact avec les étrangers.

En Colombie Aldébarane, on trouvait toutes les races humanoïdes ou non humanoïdes de l’univers connu ; des Olmaks, des Yakis, des Égrériens, des humains etc. Ensemble, ils étaient à peu près trois millions. Il s’agissait essentiellement de prisonniers, politiques et droit communs, militants de groupuscules extrémistes, terroristes, chefs de gangs, trafiquants de drogue et d’armes, assassins, voleurs, escrocs, ils étaient tous mêlés sans distinction. La Colombie Aldébarane jouait le rôle de l’Australie d’autrefois qui servait de pénitencier géant à l’empire britannique.

Quant à la Prime Directive, interdisant de coloniser une planète abritant déjà une forme de vie intelligente, elle avait été adroitement détournée par une armée de juristes spécialisés dans le droit galactique.

Cerdan, ancien capitaine de la Confédération, avait été chassé de l’armée suite à une mutinerie ; au cours de la guerre Egrérienne, il avait refusé de lancer ses hommes à l’assaut, sachant qu’il les aurait livrés à une mort certaine. Pour cela il avait été jugé et condamné à la réclusion à perpétuité en Colombie Aldébarane. Cela aurait  pu être pire, il aurait pu être condamné mort.

Heureusement pour lui, Cerdan avait des relations parmi les prisonniers ; d’anciens camarades de campagne qui avaient eu le même genre de problème que lui, et qui l’aidèrent à s’insérer dans la société carcérale de la planète. On lui avait attribué un logement assez décent, dans une grotte creusée à flanc de falaise.  Il avait obtenu un emploi de garde du corps d’un baron de la drogue Galitien, ce qui n’était pas un travail épuisant, car ce baron de la drogue était vieux et dormait tout le temps.

Cependant, il s’emmerdait ferme, c’est pourquoi, quand Domingues lui proposa de signer, il n’hésita pas très longtemps.

 

Le Soyouz

Journal de bord du capitaine, date stellaire 41150.2.

Actuellement, nous sommes stationnés au point Lagrange, nous nous tenons prêts, le Haut-Commandement de la Confédération ne va sans doute pas tarder à nous confier notre première mission.

C’est aujourd’hui que je prends le commandement du CSS Soyouz, un vaisseau de classe galactique classique, il servait autrefois aux missions d’exploration, mais l’armement que l’on y a ajouté en fait un vaisseau de guerre. Il peut  accélérer jusqu’à Warp 9, ce qui n’est  pas si mal, vu que les vaisseaux modernes ne dépassent guère cette vitesse. « Soyouz »veut dire « Union » en russe, en hommage au peuple russe, le premier à avoir voyagé dans l’espace.

Le Soyouz est constitué d’une soucoupe abritant les quartiers des occupants du vaisseau, d’un fuselage en dessous, où se trouvent les salles des machines, les plots de téléportation, les hangars à navettes et les salles d’état-major. Deux nacelles y sont rattachées sur les côtés qui évoquent des ailes et font ressembler le navire à un oiseau.

J’ai pris ma première douche depuis quatre ans, sur la Colombie Aldébarane, il n’y en avait pas. Je me suis aussi fait couper les cheveux et raser la barbe et j’ai enfilé des vêtements propres. Des vêtements civils, car en tant que mercenaire (ou corsaire, çà me semble moins péjoratif) de la Confédération  Galactique, je n’ai pas droit au titre de militaire, ni à aucun titre officiel, d’ailleurs.

Je suis une sorte d’agent free-lance, un genre de sous-traitant, chargé de faire le boulot que le gouvernement ne veut ou n’ose pas faire. Le coup classique ; si je me fais capturer au cours d’une mission, la Confédération niera avoir eu connaissance de mes agissements ou un lien quelconque avec moi. Surtout que c’est les trucs les plus risqués qu’on va me donner, des missions-suicides carrément, je dois m’y attendre.

Enfin, c’est le prix à payer pour la liberté, je préfère encore me faire descendre par un tueur à gages Égrérien que de crever à petits feux en Colombie Aldébarane. 

Je ne suis pas seul maître à bord, on m’a collé Charif, un petit con prétentieux, officier de l’armée Confédérée. Il a obtenu le grade de lieutenant à force de léchage de culs et de cirages de pompes. Il est mon « référent », c’est-à-dire qu’il est chargé de superviser mon travail, il a tous les droits sur moi et tout l’équipage du vaisseau, et ses ordres priment sur les miens. Autant dire qu’il en profite ; il adore me contredire, me ridiculiser, m’humilier et me tancer vertement devant tout le monde, sachant très bien que je ne peux répliquer, que je suis à sa merci, et que si j’ouvre ma gueule il peut me renvoyer en  Colombie Aldébarane d’un claquement de doigts.

Ce fils de pute ne perd rien pour attendre, si jamais il consulte mon journal de bord, en dépit des règles les plus élémentaires de respect de la vie privée, j’en ai rien à foutre, je l’emmerde.

Heureusement, on m’a donné le droit de recruter qui je voulais,  j’ai choisi Monsieur Ilton et Monsieur Vick. Ce sont deux anciens camarades de campagnes qui avaient été condamnés avec moi pour l’affaire de mutinerie pendant la guerre Égrérienne. J’ai réclamé et obtenu leur libération sans trop de difficulté, ils sont dès lors soumis aux mêmes conditions que moi.

Monsieur Vick sera le médecin de bord. Nous disposons bien d’un Hologramme Médical d’Urgence comme sur pratiquement tous les vaisseaux spatiaux, mais je juge la présence d’un vrai médecin en chair et en os plus rassurante. Il exercera aussi la fonction d’officier scientifique.

Monsieur Ilton sera notre chef-ingénieur, il est à l’origine de nombreuses améliorations sur les moteurs à distorsion, et il a apporté une remarquable contribution aux recherches sur le moteur quantique. Il cumulera aussi les fonctions de pilote et d’officier de liaison.

Quant à moi, je cumule la fonction de capitaine et d’officier de la sécurité.

L’officier en second, c’est Charif, mon « référent », même si dans les faits il a plus de pouvoir que moi, cet enculé, et il fait tout pour que je ne l’oublie pas. En tous cas, il ne sait pas mener un navire, tandis que moi, je sais. J’ai beaucoup d’expérience, et dans ce domaine, il est obligé de s’écraser.

Pour l’instant, nous ne sommes que trois membres d’équipage de commande (quatre avec Charif, mais je ne le compte pas), j’envisage de le compléter au fil du temps et des évènements, à mesure que je rencontrerai des hommes et des femmes, des mâles et des femelles d’espèces non-humanoïdes aussi, dignes d’occuper les postes vacants que nous occupons tous trois en intermittence.

Outre Monsieur Ilton, Monsieur Vick et moi (et ce connard de Charif, il faut pas l’oublier) le Soyouz comprend 160 personnes que j‘ai moi-même recrutées, la moitié sont des ingénieurs, des techniciens et des employés de maintenance. L’autre moitié sont des mercenaires. Ce sont des pros, j‘en connais la plupart, j‘ai une grande estime pour eux, car je sais qu‘on peut compter dessus.

En fin de compte, tout çà me plait bien ; une nouvelle vie d’aventures s’offre à moi, il n’y a que cet emmerdeur de Charif qui gâche un peu le tableau.

 

1961

Journal de bord du capitaine, date stellaire 41150.4

Nous venons de recevoir notre premier ordre de mission du Haut-Commandement : on devra effectuer un voyage spatio- temporel vers le passé de la terre pour porter secours à un personnage important de l’histoire. Quand on m’a dit qui c’était, j’étais vachement content ; il s’agit de Youri Gagarine, le tout premier terrien à avoir voyagé dans l’espace.

Ce qui se passe, c’est qu’il y a un groupe de Luddites, des terriens qui rejettent la technologie, qui ont envoyé un commando dans le passé pour saboter la mission Vostok 1. Cela ne remettrait pas la conquête spatiale en question pour autant, mais çà perturberait le flux temporel, c’est du terrorisme pur et simple.

Les Luddites existent depuis longtemps, et ils se sont adaptés aux technologies nouvelles pour mieux les combattre. Ils sont infiltrés un peu partout ; dans les milieux politiques, militaires et scientifiques, c’est pourquoi ils ont obtenu sans trop de mal un dispositif de voyage temporel, ce qui les rend plus menaçants que jamais.

 

Ce n’était pas la première fois que Cerdan voyageait dans le temps, il s’était rendu dans les années 1950 en Alabama, aux États-Unis, en plein Maccarthysme. Cette fois ci, l’objectif se situait en 1961 à Baïkonour au Kazakhstan, en URSS, quand la Guerre Froide battait son plein. Çà ne rigolait pas non plus.

Grâce à l’instructeur neuronal, la connaissance de la langue russe lui fut directement implantée dans le cerveau en quelques minutes ainsi qu’à Charif, avec qui, évidemment, il était contraint de faire équipe. L’utilisation de l’instructeur neuronal était risquée, et il fallait le faire avec beaucoup de prudence sans en abuser.

Le synthétiseur leur fournit des uniformes soviétiques ainsi que des papiers authentiques, leur donnant une identité et une fonction officielles. Grâce aux agents de la Confédération infiltrés dans l’administration soviétique de l’époque (et celle des États-Unis, de l’Angleterre, de la France etc.), Cerdan et Charif avaient reçu le titre d’ingénieurs, ils se retrouvèrent ainsi sous les ordres de l’homme sur qui reposait toute l’opération ; Sergueï Korolev, l’ingénieur en chef du projet Vostok 1.

On ne pouvait rien prévoir ; les Luddites pouvaient très bien tenter d’assassiner Gagarine avant son départ, il avait des suppléants, et on l’aurait rapidement remplacé par l’un d’eux, mais çà aurait donné un sacré choc à la trame temporelle.

Cerdan avait reçu l’ordre de lier connaissance avec Youri Gagarine, et si possible, sympathiser, de façon à se retrouver à bonne proximité pour le protéger. Il avait préconisé une approche subtile pour lier connaissance avec Gagarine de façon naturelle, en engageant une conversation normale sous un prétexte quelconque. Mais Charif avait décidé de prendre les choses en main, et Cerdan ne pouvait que fermer sa gueule,  son « référent » voulait qu’on fasse les choses à sa manière, et il décida d’aborder lui-même Gagarine.

En bon élève discipliné, il appliqua les ordres à la lettre : lier connaissance et si possible sympathiser.

Gagarine s’était rendu dans un bar de Baïkonour avec Korolev. Le futur cosmonaute buvait du lait et s’apprêtait à se coucher tôt quand Charif l’aborda le plus maladroitement du monde : « Bonjour, je m’appelle Tengiz, veux tu que je t’offre un verre et que l’on fasse connaissance ? Nous pourrions devenir amis. » En réponse Gagarine lui colla son poing dans la gueule ; il l’avait pris pour un pédé, et à l’époque, on rigolait pas avec çà, surtout dans l’URSS des années 1960.

Korolev et Cerdan voulurent intervenir pour calmer Gagarine, mais il était costaud, malgré ses 1m 58, et il flanqua un violent coup de poing dans la figure de Korolev, ce qui lui cassa le nez, et un crochet du gauche dans la mâchoire de Cerdan, qui tomba à la renverse à moitié assommé. Allez savoir pourquoi, cet incident suffit à déclencher une bagarre générale, avec des tables, des chaises et des canettes volant dans tous les sens, la bonne bagarre de bistrot des familles.

Comme il fallait s’y attendre, à toutes les époques et en tous lieux dans ce genre de cas, les flics déboulèrent et embarquèrent tout le monde. C’était la cata, Gagarine était sensé décoller le lendemain.

Gagarine s’était retrouvé en cellule avec Cerdan et Charif ainsi que tous ceux qui étaient présents dans le bar ce soir là, hormis Korolev, transporté d’urgence à l’hôpital avec le nez en bouillie. Ils n’avaient pas été scrupuleusement fouillés, et beaucoup avaient une fiole d’eau-de-vie sur eux, y compris Gagarine, pourtant sensé être sobre. Il s’était dit que fichu pour fichu, ce n’était plus la peine de suivre son régime de cosmonaute, qu’il ne partirait pas de toute façon, alors autant prendre une bonne biture.

Dans toute la cellule, çà se termina en saoulographie générale, à laquelle Cerdan se joignit allègrement, même Charif céda à la tentation, convaincu qu’après un coup pareil sa carrière était foutue.

Seulement, depuis le vaisseau Soyouz qui orbitait autour de la terre à 600 km d’altitude, on avait gardé un œil sur Cerdan et Charif. Grâce au tricordeur du vaisseau, on avait repéré l’emplacement exact d’où étaient émis leurs signes vitaux.

La Confédération fit envoyer un représentant du Soviet Suprême tout ce qu’il y avait de plus officiel et de plus authentique (personne n‘aurait pu deviner que cet éminent personnage venait du futur), qui fit délivrer Gagarine, Cerdan et Charif sur le champ.

On était le 12 avril 1961, il était 5h 30, il ne restait plus que quelques heures avant le lancement historique de Vostok 1, et Youri Gagarine, non seulement n’avait pas fermé l’œil de la nuit, mais il était ivre-mort, il fallait le dessaouler très, très vite.

Cerdan fit téléporter un Hologramme Médical d’Urgence, qui administra à Gagarine une injection de Tétricaïne, ce qui lui donna un coup de fouet, puis il fut emmené au cosmodrome. Comme Korolev était indisposé, ce fut Cerdan qui l’assista.

Gagarine était dessaoulé, certes, mais il était encore dans le cirage. Il se présenta au vestiaire, où l’on allait lui enfiler sa tenue de cosmonaute, pas rasé et chancelant, attirant les regards soupçonneux du personnel. Comme excuse, Cerdan expliqua brièvement que c’était une vieille tradition de marin de ne pas se raser le jour d’un départ, et que Youri Gagarine était un peu stressé, mais que çà irait. Çà passa plus ou moins, alors ils ne s’attardèrent pas.

Le vol devait être entièrement automatique et les commandes étaient bloquées. En cas d'urgence, Gagarine devait ouvrir une enveloppe contenant un code à taper sur l’ordinateur de bord pour les libérer.

Cerdan avait été bien briefé avant le début de sa mission, on lui avait donné ce code, et contre toute procédure, il le souffla dans l'oreille de Gagarine, ignorant que plusieurs techniciens avaient fait de même avant lui.

Au moment d’emprunter l’élévateur qui le mènerait à sa capsule au sommet du lanceur, Gagarine eut une brusque envie de pisser, alors il se soulagea sur un muret. Depuis ce temps, c’est devenu une tradition à Baïkonour, pour les hommes, évidemment, de pisser à cet endroit avant de monter dans un vaisseau spatial.

Gagarine fut ligoté, sanglé, plastronné dans sa capsule comme un pharaon dans un sarcophage, avec deux tonnes de carburant sous les fesses qui risquaient de l’atomiser menu. Jusque là, tout allait bien, on avait réussi à empêcher les Luddites de saboter le lancement, et tout se déroula à la perfection, ou presque.

Cerdan s’installa dans le bunker de commandement, où il fut mis en liaison avec le cosmonaute. Il avait obtenu ce privilège en partie grâce à l’absence de Korolev mais aussi à l‘envoyé officiel du gouvernement soviétique qui les avait fait sortir de cellule. Il échangea quelques plaisanteries grivoises avec Gagarine par radio, mais il semblait superflu de le rassurer, il avait l’air plutôt décontracté et concentré sur sa tâche, malgré le manque de sommeil et la gueule de bois.

Il n'y eut pas de compte à rebours, le vol fut lancé à l'heure prévue, 09 h 07 (heure de Moscou, 06 h 07 GMT). Les réacteurs s’allumèrent, la fusée s’ébranla, et la voix de Gagarine devint chevrotante, mais on l‘entendit qui s‘écriait : « Poïekhali !  » (C‘est parti !).

La fusée s’éleva lentement, quitta la sol et se mit à accélérer. Un technicien qui surveillait les moniteurs des signes vitaux de Gagarine déclara : « Son pouls vient de passer de 64 à 157 battements à la minute ! » Cerdan éprouva une sourde inquiétude, il prit le micro et s’adressa à Gagarine : « Zaria I à Kedr, çà va ? » (« Kedr » , qui signifie « cèdre » , était le nom de code de Gagarine et « Zaria I », signifiant « Aube I » celui de ses interlocuteurs au sol)

 « Kedr à Zaria I, bien, et vous ? » Répondit Gagarine sur un ton enjoué.

« Zaria I à Kedr, vous ne souffrez pas trop de l’accélération ? »

« Kedr à Zaria I, quand même un peu, mais çà devrait aller. »

La conversation se poursuivit quelques instants, quand les propos de Gagarine devinrent incohérents, on le comprend ; il se prenait à cet instant 5 g d’accélération dans la gueule, et que çà montait encore.

Enfin, la pression se relâcha, deux minutes s’étaient écoulées depuis le décollage, la coiffe aérodynamique qui recouvrait le vaisseau fut larguée et le hublot situé à hauteur des pieds de Gagarine fut démasqué. « Putain ! S’écria-t-il. Je vois les nuages. Le site d'atterrissage... C’est magnifique ! Quelle beauté ! »

Discrètement, depuis le Soyouz, Ilton donna un petit coup de pouce au Vostok en agrippant la capsule de Gagarine dans les mailles invisibles, et indétectables à l’époque, de son rayon tracteur qui l’aidèrent à l’insérer en orbite.

Le vaisseau de Youri Gagarine entama une révolution autour de la terre à une altitude moyenne de 250 kilomètres. Ilton avait fait du bon boulot avec le rayon tracteur, mais il avait un peu forcé sur la puissance, car l'orbite était beaucoup plus haute que prévu, avec un apogée supérieure de 70 km, ce qui faisait craindre au centre de contrôle une mission plus longue si les rétrofusées ne fonctionnaient pas. Cerdan ne s’en faisait pas, il savait que son Soyouz veillait au grain à ce que tout se passe bien.

Gagarine était en train de devenir le premier homme à voyager dans l'espace et le premier homme à effectuer une orbite autour de la Terre. Cerdan l’entendit dire pour lui-même : « Qu’elle est belle, cette Terre, bleue, ronde et à l'atmosphère si ténue ! »

« Zaria I à Kedr, comment çà se passe avec l’apesanteur ?  » Demanda Cerdan, il se posait la question, car c’était la toute première fois dans l’histoire qu’un terrien expérimentait ce phénomène.

« Kedr à Zaria I, çà se passe bien, je peux manger, boire et travailler normalement, je suis en train de rédiger mon journal de bord. Et merde ! »

« Zaria I à Kedr, qu’est-ce qui se passe ? »

« Kedr à Zaria I, j’ai perdu mon crayon, il s'est envolé dans un coin de la cabine, la vis qui le retenait par le fil s'est desserrée. »

« Zaria I à Kedr, oubliez votre crayon, on vient de me donner une dépêche, lui annonça Cerdan, vous avez été promu major. »

« Kedr à Zaria I, vous leur direz merci de ma part. »

« Zaria I à Kedr, j’y manquerai pas. »

Une fois que Gagarine eut accompli un tour complet autour de notre monde, vint le moment où sa capsule devait se séparer du vaisseau Vostok pour rentrer dans l‘atmosphère. Mais rien ne se passait, la panique commença à gagner les techniciens du bunker, les téléphones sonnaient dans tous les coins, et l’on voyait des hommes courir à droite et à gauche. Cerdan se retira dans un coin discret et contacta le Soyouz : « Cerdan à Soyouz, répondez. »

« Soyouz à Cerdan, nous vous recevons. » Répondit Ilton.

« Qu’est-ce qui se passe avec le vol de Gagarine ? »

« Ce sont les Luddites, ils ont un vaisseau occulté en orbite basse qui a brouillé les appareils de bord du Vostok. »

« Faites quelque chose, bon sang ! »

« Vous croyez qu’on s’amuse ? On a chargé les torpilles à photons, on va leur en balancer quelques unes. »

« Magnez le train, le vol de Gagarine est en train de capoter ! »

« On fait ce qu’on peut, merde ! »

Cerdan coupa la communication d’un geste rageur et revint s’installer devant la console. Enfin, au bout d’une dizaine de minutes, la capsule de Gagarine se sépara du Vostok, au soulagement général. En fait, le Soyouz venait de détruire le vaisseau Luddite avec trois ou quatre torpilles à photons, du travail rapide et efficace.

Après que les rétrofusées se furent mises en action pour la rentrée atmosphérique, le Vostok subit une secousse et commença à tourner sur son axe de 30 degrés par secondes. Le module de service ne parvenait pas à se séparer du module de rentrée comme prévu. Le vaisseau était conçu pour présenter son bouclier thermique dans le sens de la descente, mais avec les oscillations, des parties non protégées étaient exposées à la chaleur.

« Kedr à Zaria I, ma capsule est entourée de flammes ! »

Vu de l’extérieur, le vaisseau de Gagarine était un nuage de feu fonçant vers la Terre. Même sans le voir, Cerdan se le représentait très bien.

« Zaria I à Kedr, comment çà va ? »

« Kedr à Zaria I. » Répondit Gagarine, mais sa voix se perdit dans des crachotements électriques. Quelques instants plus tard, un message en morse leur parvint : « Tout va bien. »

Gagarine était secoué dans tous les sens pendant la descente. Quand la gravité due au ralentissement atteignit son maximum de 10 g, il signala que sa vue se brouillait, mais cela ne dura que quelques secondes, puis la capsule ralentit sa rotation.

À quelques kilomètres du sol, Gagarine fut éjecté avec son siège de la capsule et effectua le reste de sa descente en parachute car, pour des raisons de poids, le vaisseau Vostok ne disposait pas de rétrofusées lui permettant d'annuler sa vitesse résiduelle à l'atterrissage.

Les moniteurs de bord du Soyouz n’avaient pas raté un épisode de cette aventure, et à son insu, Gagarine était observé en couleurs sur les écrans du vaisseau du 25e siècle et en noir-et-blanc sur un écran des années 1960 de la console où était installé Cerdan, dans le bunker de commandement, il tâchait d’être discret pour ne pas que les techniciens le remarquent.

Gagarine se sépara de son siège et ouvrit son parachute, il allait atterrir près de la Volga où il avait fait son entrainement de parachutiste. Son parachute de secours s'ouvrit en plus du parachute principal, mais il se mit en chandelle. Voyant cela, Cerdan frappa son combadge de la main et chuchota : « Cerdan à Soyouz, faites quelque chose, merde, vous voyez bien qu’il est dans la panade ! » «  Je vais arranger çà, flippez pas ! » Répondit Ilton d’un ton désinvolte.

Néanmoins, grâce aux rayons tracteurs qu’il maniait avec dextérité, le parachute de Gagarine se désemmêla comme par miracle et il descendit en toute sécurité. À 10 h 55 (heure de Moscou, 7 h 55 GMT) il atterrit en douceur dans un champ près d'un ravin non loin, dans la région de la ville de Saratov.

Dans le bunker de commandement, le téléphone sonna, comme personne ne pensait à répondre, Cerdan décrocha le combiné ; c’était Nikita Kroutchev en personne : « Gagarine est il vivant ? » Demanda laconiquement le chef du Kremlin. « Oui, camarade Kroutchev. » Répondit tout aussi laconiquement Cerdan, qui savait ce qu’il disait, car il ne quittait pas Gagarine des yeux sur l‘écran archaïque de la console.

Une heure plus tard, c’était Gagarine lui-même qui appelait Cerdan depuis un camp d'agriculteurs : « Kedr à Zaria I, çà va mon vieux ? »

« Zaria I à Kedr, vous êtes remis de vos émotions ? »

« Kedr à… oh et puis merde ! J’arrive, je vous raconterai. »

« J’ai déjà tout suivi. » Répondit Cerdan.

« C’est pas grave, on ira boire un verre pour fêter çà !  »

Il n’eut pas le temps de répondre, Gagarine avait raccroché.

Cerdan se leva, autour de lui tout le monde était à la fête, on avait amené du champagne pour célébrer l’évènement. Il se retira dans un coin, frappa son combadge et dit à mi-voix : « Cerdan à Soyouz, téléportation ! »

L’un des techniciens remarqua une lumière vacillante derrière une armoire, quand il alla voir, il n’y avait rien. Il supposa alors qu’il y avait eu un court-circuit, et cela ne l’inquiéta pas plus que çà.

Quand il rentra à Baïkonour, Gagarine chercha Cerdan, mais il ne le trouva pas, et personne ne l’avait vu sortir du bunker de commandement, personne ne savait où il était. Il ignorait que son pote n’était pas un ingénieur soviétique, mais un cosmonaute comme lui, qui était venu du futur pour le protéger. À l’heure qu’il était, il s’était téléporté sur son vaisseau spatial du 25e siècle pour retourner chez lui.

 

Décision

Assis dans son bureau, Cerdan regardait son képi soviétique avec nostalgie, il pressa un bouton sur sa console et ouvrit une entrée dans son journal de bord :  Journal de bord du capitaine, date stellaire 41150.6. J’ai bien apprécié ce gaillard, Youri Gagarine, et je me dis que c’est dommage qu’un type comme lui ne fasse pas partie de mon équipage. Soudain, il eut une idée ; « Ordinateur, appela-t-il, transmets moi toutes les données que tu possèdes sur la mort de Youri Gagarine. »

« Youri Gagarine est mort aux environs de Moscou le 27 mars 1968 à l’âge de 34 ans en se crashant avec un MiG-15 UTI, qu’il pilotait avec le colonel Vladimir Serioguine, 45 ans, affecté à l'entraînement des cosmonautes depuis 1963. »

« Ordinateur, donne moi les références géographiques et l’heure exactes de cet accident. »

« Malheureusement, l’heure exacte de l’accident est inconnue. On sait qu‘il a décollé vers 10h 00 de Moscou. Quelques minutes après le décollage, Gagarine avait demandé aux contrôleurs la permission de modifier son plan de vol et de rentrer à la base, ce fut sa dernière communication. On a retrouvé l‘épave de son avion 64 km plus loin dans une zone densément boisée et recouverte d'un mètre de neige, ainsi que les corps de Gagarine et de Serioguine. »

« Bien, merci, ordinateur. Terminé. » Cela peut sembler étrange, mais il était coutumier de remercier un ordinateur et d’être poli avec lui, l’Intelligence Artificielle avait connu un tel développement que les processeurs étaient devenus des individus à part entière.

Il sortit de son bureau et se rendit à la salle de commande. Dans le turbo-lift, il tapa son com-badge de la main et appela : « Monsieur Vick, je vais vous donner des instructions, veuillez les observer à la lettre… » Quelques instants plus tard, quand les portes du turbo-lift s‘ouvrirent sur la passerelle il y pénétra à grands pas. « Monsieur Ilton, veuillez calculer une trajectoire spatio-temporelle pour le 27 mars 1968 à,  disons, 09h 00, au dessus de Moscou, çà nous laissera une bonne heure pour mettre l’opération au point. » Ordonna-t-il. 

« Que faites vous ? » Intervint Charif.

« Foutez moi la paix, vous, répondit il, on m’a donné le droit de recruter qui je voulais, et je veux Youri Gagarine dans mon équipage. »

Charif suivait Cerdan pas à pas, tantôt le réprimandant et le menaçant, tantôt le suppliant : « Ne faites pas çà, Cerdan, c‘est le retour direct en Colombie Aldébarane. »

Cerdan s’arrêta net, fit volte-face et Charif le percuta dans son élan.

« Relisez les termes du contrat, mon vieux, lui dit Cerdan, il est dit que je peux recruter qui je veux, sans précision sur l’endroit ni l’époque. Je veux Youri Gagarine dans mon équipage, je refuse de laisser crever un type de sa valeur. »

« Mais vous enfreignez la loi sur les voyages temporels, vous allez modifier l’histoire. »

« D’abord, nous l’avons déjà modifiée vous et moi, surtout vous. Mais cette fois, on ne modifiera rien, l’histoire ne s’en apercevra même pas. »

Charif répondit : « Çà va être extrêmement compliqué, mise à part le côté juridique, de ne pas modifier le cours des évènements ; l’histoire rapporte que l’on a retrouvé les corps de Gagarine et de Serioguine, et qu’ils ont été formellement identifiés. Comment vous allez faire ? »

« Je vais vous montrer. »

Charif suivit Cerdan jusqu’à l’unité médicale du vaisseau. « On en est où, Monsieur Vick ? » Demanda-t-il en entrant dans l’infirmerie.

« Çà avance, les protoplasmes seront bientôt près, il m’a suffit de combiner le synthétiseur de bord au tricordeur médical central. » Répondit Vick.

« Je m’en fous des détails techniques, je veux savoir si je pourrai en disposer le 27 mars 1968. »

« Nous ne sommes encore qu’en 1961, nous avons de la marge. »

« Magnez vous quand même. »

« Qu’est-ce que c’est que ces histoires de protoplasmes ? Qu’est-ce que vous mijotez encore ? » Demanda Charif d’un ton méfiant.

« Le docteur Vick va fabriquer deux protoplasmes à forme humaine pour les substituer à Gagarine et Serioguine juste avant le crash. Répondit Cerdan, il faut quand même que les protoplasmes aient plus ou moins la même apparence que leurs doubles vivants, et qu’ils soient vêtus de la même manière, car on a aussi retrouvé leurs vêtements. Sachant que la médecine de l’époque était plutôt primitive par rapport à la nôtre, on peut compter qu’il n’y aura pas d’examen trop poussé. »

« Vous voulez sauver Serioguine aussi ? »

« Bien sûr, çà serait dégueulasse de sauver Gagarine et pas lui, pauvre gars. »

« Vous… »

« Je sais, l’interrompit Cerdan, la loi sur les voyages temporels, la Colombie Aldébarane et tout le tralala, épargnez donc votre salive. »

Rouge de colère contenue, Charif quitta la passerelle en fulminant.

« Vous n’avez pas peur qu’il vous ramène des emmerdes ? » Lui demanda Vick.

« C’est un petit branleur, répondit Cerdan, et puis, si la Confédération veut me renvoyer en Colombie Aldébarane, il faudra d’abord qu’ils m’attrapent. » Ajouta-t-il avec un clin d’œil.

 

Le plan

Sur un archaïque tableau en ardoise, Cerdan avait représenté les grandes lignes de son plan à l’aide d’une craie non-moins archaïque à l‘attention d‘Ilton et de Vick. Un peu en retrait, Charif assistait aussi au briefing en faisant la gueule dans son coin.

Maladroitement, Cerdan avait dessiné le vaisseau Soyouz, le MiG 15 UTI de Gagarine et Serioguine ainsi que trois autres avions. Il commenta ainsi son œuvre : « Gagarine et Serioguine décollent à 10h 04 de Moscou. À cause du mauvais temps et de la couverture nuageuse, Gagarine demande aux contrôleurs la permission de modifier son plan de vol et de rentrer à la base, ce sera sa dernière communication. En parcourant la ligne temporelle, le moniteur de bord a pu constater le passage de deux MiG-21 et d’un MiG-15 qui ont été autorisés à voler dans la même zone au même moment. Alors que Gagarine entame un virage et sa descente à une altitude de 700-1 200 mètres pour rentrer au terrain, le deuxième MiG-15 passe à 500 mètres de lui, coupant sa trajectoire. Gagarine est pris dans les turbulences créées par le sillage de l'avion,  il entame une vrille qu’il parvient à redresser après avoir fait cinq tonneaux. Mais au sortir de la vrille, le MiG 15 UTI n’est plus qu’à 560 mètres du sol, avec un angle d'attaque de 70 degrés. Il ne reste alors que cinq secondes avant que l'avion ne s'écrase au sol, ne laissant pas le temps aux pilotes de s'éjecter. C’est durant ces cinq secondes qu’il faudra agir, messieurs, il sera 10h 18mn et 21 secondes, vous aurez jusqu’à 10h 18mn et 26 secondes pour téléporter Gagarine et Serioguine sur le Soyouz et les protoplasmes à leur place dans le MiG 15 UTI. Des questions ? »

« La vache ! S’exclama Ilton, vous n’avez pas plus compliqué ?  »

« Je sais, répondit Cerdan, c’est serré, mais il faudra faire au mieux. »

« Et pourquoi on est obligé d’intervenir dans un laps de temps aussi restreint, on peut pas agir un peu avant ? » Demanda Ilton.

«  Question de sécurité, répondit Cerdan, si la téléportation intervient trop tôt, elle pourrait perturber la trajectoire originale du MiG 15 UTI au moment de sa chute, et le faire s’écraser ailleurs qu’à l’endroit prévu, çà craint. Il vaut mieux éliminer tout risque, on a fait assez de conneries comme çà. »

« C’est tout de même chiant qu’ils soient deux. » Remarqua Vick.

« C’est parce que Gagarine symbolisait le triomphe de l’astronautique soviétique, il n'était plus autorisé à effectuer des vols sur avion de chasse en solo. Çà ne l’empêchait pas de faire le con en bagnole ; il a eu plus de vingt accidents en moins de sept ans, à chaque fois, il en a réchappé par miracle. »

« Il y a un problème, intervint Ilton, l’activité solaire du moment va compliquer les choses, il y a des éruptions de plasma qui risquent d’interférer avec les téléporteurs. »

« Démerdez vous, je vous paie pour çà. »

« Menteur ! Protesta Vick en riant, vous ne nous payez même pas ! »

« Je sais, mais je suis votre capitaine, alors, au boulot, les gars. »

« Oui, chef, bien chef ! » Répondirent en chœur Ilton et Vick.

 

 

Le sauvetage

Quelques instants auparavant, on était encore le 12 avril 1961, un virage autour du soleil à vitesse ultra-luminique, un flash de ténèbres et l’on  se retrouvait le 27 mars 1968. Ilton avait raison, l’activité solaire était particulièrement intense ce jour là, même si les astrophysiciens de l’époque n’en avaient pas conscience.

« Çà va être coton, prévint Ilton, déjà, un mec à téléporter et à échanger contre un protoplasme, c’est délicat, mais deux mecs, et dans ces conditions… »

« Essayez quand même. » Répondit Cerdan.

Tout se passa tel que l’avait dessiné Cerdan sur son tableau, Gagarine et Serioguine avaient décollé à l’heure prévue, ils survolaient une zone boisée, le temps était couvert, puis les deux MiG 21 et le MiG 15 entrèrent en scène. Le MiG 15 coupa la route de celui de Gagarine qui perdit le contrôle partit en vrille. Alors il entama sa série de cinq tonneaux, sur l’écran du moniteur, Cerdan les comptait, à la fin du cinquième, pendant Gagarine essayait vainement de redresser, il s’écria : « Go ! »

Aussitôt, les deux protoplasmes à l’image de Gagarine et de Serioguine, posés sur les plots de téléportation, se mirent à scintiller, s‘estompèrent et disparurent dans une gerbe d‘étincelles.

« Vite ! Vite ! » Les pressait Cerdan

Ne restaient que trois secondes.

Enfin, l’image du vrai Gagarine et du vrai Serioguine se substituèrent à leurs doubles. Mais l’image de Serioguine s’effaça et son double protoplasmique se rematérialisa.

Cinq secondes.

Le MiG 15 UTI se crasha dans les arbres enneigés et le malheureux Serioguine y resta. Malgré la bonne volonté de Cerdan, l’activité solaire avait perturbé le fonctionnement du téléporteur.

Par contre, Gagarine était tiré d’affaire, mais il ne le savait pas encore. Quand il se matérialisa sur le plot de téléportation, il était en position fœtale ; les bras et les jambes repliés, la tête entre les genoux. Il resta dans cette posture un moment et se relâcha doucement. Il leva la tête et regarda autour de lui d’un air incrédule.

Cerdan monta sur la plate-forme du téléporteur pour l’aider à se relever. « Bonjour Youri. » Lui dit il.

Gagarine s’exclama : « Cerdan ! C’est vous ? Qu’est-ce qui se passe ?  »

« Venez. »

Ils sortirent de la salle du téléporteur et s’engagèrent dans les coursives du vaisseau.

« On est où, là ? Demanda Gagarine, j’étais dans mon MiG avec Serioguine, on était sur le point de se crasher et d’un seul coup, je me retrouve là, avec vous. Vous pouvez m’expliquer ? »

« C’est ce que je vais faire, répondit Cerdan, je vais pas entrer dans les détails, je vais vous dire en gros : moi et mes hommes venons du futur, le 25e siècle, on a voyagé dans le temps pour vous sauver, et on vous a téléporté à bord de notre vaisseau au moment où vous alliez vous crasher. »

Gagarine resta pensif quelques secondes, le temps de digérer ces informations, puis il regarda autour de lui et demanda : « Et Serioguine ? »

« Il y avait une activité solaire assez importante, et çà a fait foirer le processus de téléportation. On n‘a pas pu le sauver. » Répondit tristement Cerdan.

« Merde ! »

« Je suis désolé. Néanmoins, je vous souhaite la bienvenue à bord du Soyouz. »

« Le Soyouz ? Vous êtes soviétiques ?  »

« Non, et nous n’avons rien à voir avec l’URSS, le vaisseau a été baptisé ainsi en hommage au peuple russe qui a engagé la conquête spatiale. »

« C’est vraiment dingue ! S’écria Gagarine, çà faisait pratiquement sept ans que je ne vous avais pas vu. Vous avez vraiment voyagé dans le temps ? »

« Oui, et selon mon point de vue, il y a seulement quelques heures que nous nous sommes quittés. Nous venions à peine de terminer notre conversation téléphonique quand vous êtes revenu de votre expédition dans l‘espace, que je suis passé directement de 1961 à 1968 pour vous retrouver. Aujourd’hui, vous étiez sensé mourir, mais grâce à la science, on a pu modifier le destin »

« C’est génial, répondit Gagarine, dont l’esprit était décidément ouvert et réceptif. Vous pouvez me ramener chez moi, maintenant ? »

« Malheureusement, je ne peux pas, Youri, vous êtes officiellement mort le 27 mars 1968, si je vous ramenais, çà perturberait le continuum et… »

Gagarine l’interrompit : « Attendez, je comprends rien à votre baratin, vous me dites que vous me ramènerez pas chez moi ? Et pourquoi ? »

« C’est justement ce que je suis en train de vous expliquer ; si je vous ramène, çà change l’histoire, et Dieu sait les conséquences que çà peut avoir, vous n’imaginez même pas. »

Gagarine s‘énerva : « Mais putain ! Vous vous foutez de ma gueule ? Vous me sauvez, OK, mais moi j’ai une femme et des enfants, une famille, vous croyez que je vais les abandonner comme çà ? »

« De toute façon, vous étiez mort, çà changera rien. »

« Espèce de connard ! S’emporta Gagarine, vous comprenez rien, je veux retrouver ma famille ! »

« Youri, si je fais çà, çà met l’avenir en danger. »

« J’en ai rien à foutre de l’avenir ! » Répliqua Gagarine avant de lui coller un coup de poing dans la gueule et de partir en courant dans les coursives du Soyouz.

Il y eut une course-poursuite à travers tout le vaisseau. Gagarine était agile, et il se faufilait comme un chat dans le moindre passage, sa petite taille lui donnant l’avantage. Tout le personnel du Soyouz s’était mobilisé, mais il n’est pas facile de mettre la main sur un type comme Gagarine quand il n’a pas envie de se laisser attraper.

L’alerte fut donnée, et les sirènes d’alarme résonnèrent dans tout le vaisseau, pendant que toutes les portes se refermaient, et que des hommes en armes couraient à gauche et à droite. « Ne lui faites aucun mal ! Les avertit Cerdan dans les haut-parleurs, réglez vos phasers sur paralysie. S’il lui arrive quoi que ce soit, vous aurez à faire à moi ! ». »

Gagarine était intelligent, on s’en était aperçu, au point qu’il parvint à se rendre dans le hangar aux navettes. Il neutralisa un garde en l’assommant d’une manchette, lui prit son arme et grimpa dans une navette. Il en comprit très vite le fonctionnement, et comme les portes du hangar se refermaient lentement (un champ de contention empêchait l‘air de s‘échapper et filtrait les rayons mortels de l‘espace), Gagarine parvint à mettre le moteur en marche, il s’éleva de quelques centimètres et fila entre les portes en éraflant la coque contre l’une d’elles.

Au moment où il franchit la limite du champ de contention, celui-ci devint visible l’espace d’un instant et, au milieu d’un brouillard d’étincelles qui masquait les étoiles, dessina les contours de la navette d’un trait lumineux. Puis le brouillard d’étincelles s’estompa et les étoiles réapparurent, juste avant que les portes d’acier du hangar se referment dessus.

L’alerte avait été donnée trop tard, Youri Gagarine était en route vers la terre.

Cerdan explosa de rage, il attrapa Ilton par le bras et le poussa brutalement vers une console en criant : « Magnez vous de le ramener ! »

« Oh ! Protesta Ilton, doucement, mec ! Arrêtez de speeder comme çà… »

Ilton pianota calmement sur le clavier, et aussitôt, la navette de Gagarine fut immobilisée par le rayon-tracteur.

Les commandes ne répondaient plus, Gagarine soupira et croisa les bras d’un air résigné. La navette retourna d’elle-même dans le hangar, où l’attendait Cerdan accompagné d’une demi-douzaine d’hommes armés. Youri Gagarine descendit de la navette en levant les mains, mais Cerdan lui dit : « Baissez les mains, Youri, vous n’êtes pas un prisonnier. »

Gagarine baissa les mains en répondant amèrement : « Qu’est-ce que çà serait si j’en étais un ! »

Cerdan fit signe aux hommes armés de se retirer puis il lui posa la main sur l’épaule de Gagarine et lui dit : « Venez, allons boire un verre. »

Gagarine dégagea la main de Cerdan avec colère, « Me touchez pas !  »  S’écria-t-il, puis il s’éloigna seul dans les coursives du vaisseau. Cerdan voulut le rappeler, mais il se ravisa ; il jugea qu’il valait mieux le laisser tranquille.

Il retourna sur la passerelle, s’assit sur son siège de capitaine, à côté duquel s’était installé l’inévitable Charif. Il l’ignora et interpella Ilton : « Monsieur Ilton ! »

« Oui, capitaine ? »

« On retourne à la maison, en avant toute ! »

« Prochain arrêt, le 25e siècle. » Annonça gaiment Ilton en pianotant sur sa console.

Sur l’écran, les étoiles se transformèrent en filaments argentés alors que le Soyouz entrait en hyper-espace. Il y eut une explosion de lumière suivie d’un flash de ténèbres, et enfin, les choses revinrent à la normale.

Le Soyouz gravitait toujours à 600 km d’altitude autour de la terre, mais c’était une terre plus vieille de 500 ans. Gagarine la vit par un hublot et il en eut le souffle coupé. Rayonnante dans ses tons bleu-vert, son atmosphère parsemée de nuages blancs semblait limpide, la forme des continents avait légèrement changé, mais il la reconnaissait, pour l’avoir déjà vue depuis son vaisseau Vostok le 12 avril 1961.

 

Rapport

Comme cela lui avait été signifié, Cerdan devait prévenir Domingues dès son retour pour lui faire son rapport. Domingues se trouvait à Kuala-Lumpur quand il le contacta : « Cerdan à Domingues, Monsieur le Secrétaire d’État Adjoint à la Défense, je vous informe que je suis de retour et prêt à vous faire mon rapport. »

« Domingues à Cerdan, répondit il, je me téléporterai à bord de votre vaisseau d‘ici une demi-heure. Domingues, terminé. » .

Cerdan alla pour l’attendre dans la salle de téléportation, Charif était déjà là avec son petit sourire arrogant. Ce petit merdeux allait tout rapporter à Domingues. Il s’approcha doucement de lui et lui chuchota d’un ton narquois : « Vous avez peur de ce que je vais lui dire, hein ?  »

« Un peu, admit Cerdan, mais vous devriez avoir peur de ce que je vais dire aussi. »

Le sourire de Charif s’effaça subitement. « La bagarre dans le bar de Baïkonour, Korolev à l’hôpital, Gagarine en cellule complètement bourré, c’est la faute à qui ? » Ajouta-t-il.

« Je… je n’avais fait qu’exécuter les ordres. » Balbutia Charif.

« Quelle mauvaise foi ! S’exclama Cerdan, d’abord, c’était à moi que ces ordres avaient été donnés, vous êtes con ou vous le faites exprès ? Quand on exécute un ordre, on réfléchit avant, merde ! »

« Je ne vous permets pas ! Protesta Charif, vous me devez le respect ! »

« Je vous respecterais si vous étiez respectable ! » Rétorqua Cerdan.

Ils firent la gueule chacun de leur côté quelques secondes, puis Cerdan reprit : « Voila le deal : vous fermez votre gueule et je ferme la mienne. »

Charif hocha la tête pour acquiescer, puis le technicien leur annonça que la téléportation allait avoir lieu. Domingues se matérialisa sur la plate-forme, il ne perdit pas de temps en formalités et descendit en ordonnant : « Cerdan, passons dans votre bureau avec Monsieur Charif. »

Une fois dans le bureau de Cerdan, Domingues commanda à l’ordinateur de verrouiller la porte, puis il s’assit et dit : « Je vous écoute, Cerdan. »

En jetant des regards à la dérobée à Charif, Cerdan fit son rapport de mission en omettant l’histoire de la bagarre dans le bar de Baïkonour ainsi que son escapade en 1968 pour récupérer Gagarine. Charif n’en menait pas large, Cerdan non plus, d’ailleurs. Domingues écouta attentivement tout le compte-rendu en hochant la tête. Il avait l’air cool, apparemment, il n’avait pas relu les archives sur la mission Vostok I en 1961, sinon, il aurait perçu quelques différences avec la version qu’il avait lu avant le départ du Soyouz pour le 20e siècle.

En effet, tout le temps qu’avait duré la mission de Cerdan, Domingues avait gardé autour du poignet un bracelet électronique spécial. Ce bracelet émettait un champ de chronitons négatifs le préservant des changements dans le continuum qu’auraient pu occasionner les voyageurs temporels.

S’il n’avait pas porté ce bracelet, il se souviendrait avoir lu qu’un inconnu avait assisté Gagarine à la place de Korolev, hospitalisé pour une fracture du nez. Heureusement que les services temporels de la Confédération effaçaient des archives les noms de leurs agents intervenus dans des évènements historiques. S’il avait relu les archives, Domingues aurait tout de suite compris qu’il s’était passé une couille.

Il se tourna vers Charif et lui demanda : « Quelque chose à ajouter, Monsieur Charif ? »

Charif déglutit péniblement avant de répondre : « Non, Monsieur le Secrétaire d’État Adjoint à la Défense, Monsieur Cerdan a fait du bon travail » Ajouta-t-il.

« Bien, conclut Domingues en se levant de sa chaise, puisque tout est dit, il ne me reste plus qu’à retourner sur terre. Veuillez stationner votre vaisseau au Point Lagrange pour y attendre nos instructions. »

Cerdan et Charif s’étaient levés aussi et ils l’accompagnèrent vers la salle de téléportation. Soudain, un homme armé d’un fusil à plasma surgit au détour d’un couloir, il s’agissait d’un des mercenaires engagés sur le Soyouz. Il épaula en visant Domingues et Cerdan réagit à la vitesse de l’éclair ; « À terre ! » S’écria-t-il en attrapant Domingues par le col et en l’entrainant avec lui sur le sol.

Le mercenaire avait tiré une décharge qui était passée à quelques centimètres de la tête de Domingues. Il s’apprêtait à en tirer une deuxième quand une ombre surgie de nulle part se jeta sur lui, lui arracha son arme et le frappa à la tempe avec la crosse.

Le mercenaire tomba à terre, assommé, et un homme se tenait debout à côté de lui en reprenant son souffle. Cerdan et Charif  reconnurent Gagarine. Sur le moment, Domingues avait cru que c’était un enfant, à cause de sa petite taille, mais à son tour il reconnut le personnage d’après les documents historiques. Il se tourna vers Cerdan avec un air courroucé et lui demanda : « Pouvez vous m’expliquer ce que Youri Gagarine fait ici, à bord du Soyouz au 25e siècle ? »

Cerdan se sentit mal, Charif encore plus, ce dernier commença à se justifier d’un ton larmoyant : «  Je vous assure, Monsieur le Secrétaire d’État Adjoint à la Défense, j’ignorais… je ne savais pas… je n’y suis pour rien, je… »

« La ferme ! L’interrompit Domingues, c’est au capitaine Cerdan que je parle. »

Cerdan bomba le torse dans une attitude de défi, puis il déclara : « Je plaide coupable à 100%, Monsieur, Monsieur Charif n’y est pour rien, c’est moi seul qui ai pris l’initiative de ramener Youri Gagarine à notre époque. » Puis il lui expliqua en détails comment s’était déroulée l’opération de sauvetage en 1968.

Domingues l’écouta calmement sans l’interrompre. Puis Cerdan conclut en lui disant : « Admettez que l’infraction que j’ai commise vous a sauvé la vie, Monsieur Gagarine vient de neutraliser un agent Luddite infiltré à bord du Soyouz. »

Domingues observa un moment de silence qui mit les nerfs de Cerdan et de Charif à rude épreuve. Quant à Gagarine, qui attendait que l’on statue sur son sort, il ne lâchait pas le fusil à plasma qu’il avait arraché au faux mercenaire, il se tenait prêt à toute éventualité.

Enfin, Domingues reprit la parole : « Normalement, je devrais exiger que vous rameniez Monsieur Gagarine en 1968 et que vous le téléportiez dans son MiG 15 UTI pour qu’il meurt dans le crash comme prévu. »

Cerdan ressentit un grand froid dans le dos, Gagarine crispa ses mains sur le fusil, et Charif sentait ses jambes flageoler ; il s’inquiétait plus pour sa carrière que pour le sort de Youri Gagarine.

Puis Domingues continua : « Si je faisais çà, je serais le dernier des salauds. Et comme je ne suis pas un salaud, enfin, je m’efforce de ne pas en être un, je vous autorise à garder Monsieur Gagarine et à l’engager dans votre équipage. »

Le visage de Cerdan s’illumina d’un sourire, et il s’exclama : « Merci, Monsieur ! » Il avança vers Gagarine qui eut un mouvement de recul. « Youri, lui dit Cerdan, vous avez entendu ? Vous êtes en règle, vous faites officiellement partie de mon équipage. »

Gagarine n’avait pas vraiment l’air ravi, il répondit : « On m’a pas trop demandé mon avis, dans l’histoire. Vous et votre chef, vous n’avez fait que décider à ma place. Je ne veux pas faire partie de votre équipage, je veux rentrer chez moi et retrouver ma famille. »

Domingues intervint : « Comme vous l’a sans doute expliqué Monsieur Cerdan, c’est impossible, çà perturberait le courant temporel. Par contre, je suis persuadé qu’en dépit du règlement, un certain officier indiscipliné vous emmènera de temps en temps rendre une petite visite discrète à votre famille. »

Cerdan ne s’attendait pas du tout à çà, il se tourna vers Domingues qui lui fit un sourire entendu. En fin de compte, il était plus sympa qu’il n’y paraissait, ce type là.

Gagarine réfléchit un instant, puis il posa le fusil sur son épaule et répondit : « Çà me va comme çà. Après tout, j’ai de la chance de me retrouver ici, moi qui aime l’action, je sens que je ne vais pas m’ennuyer. »

Domingues lui tendit la main en disant : « Bienvenue au 25e siècle, Monsieur Gagarine. » Gagarine lui serra énergiquement en répondant : « Merci, Monsieur. »

 

Poïekhali !

Journal de bord du Capitaine, date stellaire 41150.7. Youri Gagarine a été engagé comme pilote. Ses performances le 12 avril 1961 ont prouvé qu’il était apte à une telle fonction. Pour ses débuts, il est assisté par Monsieur Ilton, notre chef ingénieur de bord. Mais par la suite, il sera seul, je lui fais confiance, il apprend vite, je sais qu’il s’en sortira. Quand on est capable de voler à bord  d’une enclume comme Vostok I, piloter le Soyouz c‘est du gâteau.

Nous nous trouvons actuellement au spatio-dock du Point Lagrange où l’équipe de maintenance effectue les derniers contrôles techniques avant notre départ.

Le Haut-Commandement de la Confédération m’a confié une mission dont je dois maintenir le contenu top-secret. Je ne le révèlerai qu’une fois parvenu à destination.

 

Le  spatio-dock ressemblait à un insecte géant enserrant le vaisseau entre ses pattes.

Cerdan était assis sur son fauteuil de capitaine, Charif se tenait debout, un peu en retrait derrière lui. Il avait tendance à moins la ramener maintenant. Cerdan lança : « Monsieur Ilton, Monsieur Gagarine, tenez vous prêts. »

« Prêt. » Répondit Ilton.

« Prêt. » Répondit Gagarine, assis à côté de lui à la console de pilotage.

Les bras du spatio-dock s’ouvrirent lentement, comme une araignée libérant une mouche de son étreinte, Gagarine fit doucement glisser son doigt du bas de son écran vers le haut, traçant une ligne orangée virant vers le rouge, et le Soyouz s’ébranla. Il quitta lentement le spatio-dock et prit de la vitesse en s’éloignant.

« Quelle est notre destination, Capitaine ? » Demanda Ilton.

« Vous verrez bien, répondit Cerdan, en avant toute, Poïekhali ! »

 

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